Allaitement, sommeil de la mere et sommeil de l'enfant « Il ne dort jamais ! »
La fatigue, voire l’épuisement maternel est un motif fréquent de consultation de jeunes mères. C’est également l’une des quatre premières causes d’arrêt précoce de l’allaitement maternel. Les mères, souvent influencées par leur entourage, peuvent être amenées à penser que cette fatigue, voire cet épuisement est généré par le fait d’allaiter.
Qu’en est-il vraiment ?
Que faut-il savoir au sujet de la physiologie du sommeil de la mère et de l’enfant durant l’allaitement ?
Que faire en tant que professionnel de la périnatalité pour aider les mères à « survivre » à cette période éprouvante ?
Physiologie : Le sommeil de l’enfant en bas-âge :
Le sommeil est un processus qui évolue tout au long de la vie. Un nouveau-né dort en moyenne 18 heures par jour dont 2 à 3h consécutives maximum. Il existe de grandes variations individuelles dans la première partie de la vie (entre 8 heures et 20 heures par jour pour les nouveau-né), alors que cette différence est beaucoup moins importante (entre 10 et 14 heures par jour ) aux alentours de 12 mois. [1]
La qualité du sommeil évolue, elle aussi, en fonction de l’âge de l’enfant. Plus l’enfant est jeune, plus la proportion de sommeil léger est importante. Un nouveau-né passe plus de la moitié de son temps total de sommeil en sommeil léger. C’est durant cette phase que la croissance cérébrale est maximale. Plus la maturité du bébé augmente, plus la proportion de sommeil lent profond augment et plus les phases d’éveil sont importantes.
A la naissance, le nouveau-né passe par une période de « gestation extra-utérine » durant laquelle il passe d’une nutrition continue par transfusion placentaire à une alimentation en mode discontinu. De plus, ses besoins énergétiques sont élevés afin de s’adapter à la vie extra-utérine. Une phase de transition durant laquelle le rythme alimentaire est soutenu est donc indispensable. Ceci explique qu’un minimum de 10 à 12 tétées par 24h soit nécessaire au bon démarrage de l’allaitement. D’ailleurs, au-delà d’une heure et demie, on sait que le risque d’hypoglycémie est important pour les nouveaux-nés. Les mères doivent en être averties afin de s’adapter à cette situation et se méfier d’un bébé qui dormirait trop. Le « sommeil refuge » du nouveau-né est une des premières raisons qui induisent une perte de poids importante durant les 3 premiers jours ainsi qu’un retard à la « montée de lait » et un risque important d’engorgement chez la mère.
Quel lien y a t-il entre le mode d’allaitement et le sommeil de l’enfant :
Tout comme l’est le sommeil, la composition du lait d’un mammifère est une composante d’espèce. En effet, la composition du lait de femme est très spécifique et adaptée aux besoins du nouveau-né. La particularité de l’être humain est qu’il naît prématurément. Durant une période qui s’étend sur plusieurs mois, la croissance cérébrale monopolise beaucoup d’énergie. Pour cela, l’enfant a principalement besoin de nourriture pour son cerveau ; c’est-à-dire de lactose. Aussi, le lait de femme est-il particulièrement riche en lactose (7% de lactose contre 4% de graisse et 1% de protéines).
Le lactose est très digeste[2]. Le temps de vidange gastrique du lait maternel est de 20 minutes. Cela signifie qu’au bout de vingt minutes après la tétée, le nouveau-né peut de nouveau être prêt à se ravitailler (c’est ce que l’on appelle les « tétées groupées ». Suite à un groupe de tétées, la vidange des seins étant de plus en plus importante, la part de graisse augmente progressivement. Ceci permet alors à l’enfant d’accumuler de l’énergie plus durable pour dormir 1 à 2h consécutives. La méconnaissance des « tétées groupées » amène souvent les parents à penser, à tort, que leur enfant à des coliques ou que le lait maternel n’est pas suffisant.
Les préparations pour nourrisson étant à base de lait animal, la proportion de lactose, graisse et protéines est bien différente de celle du lait de femme. La digestion de ce lait induit une mobilisation d’énergie importante, ce qui a pour corollaire une modification de la structure du sommeil de l’enfant. On observe alors une augmentation anormale de la part de sommeil profond[3]. La quantité totale de sommeil demeure inchangée que l’enfant soit allaité ou non [4]; c’est la répartition qui est différente[5] ! Le sommeil de l’enfant nourri à l’aide de préparation pour nourrissons a donc une évolution de son sommeil vers un sommeil de type adulte plus tôt dans la vie ce qui a des conséquences à court, moyen et long terme sur sa santé. La conséquence directe la plus connue étant l’augmentation du risque de mort inattendue du sommeil par rapport aux enfants ayant un allaitement maternel.
En conclusion de cette première partie, notons qu’une meilleure connaissance de la physiologie du sommeil de l’enfant durant l’allaitement permet aux jeunes parents d’avoir des attentes plus en adéquation avec la réalité de la vie avec un jeune enfant. La perception de la « normalité » de la situation induit moins de stress chez la mère et réduit le risque de dépression du post-partum. Par ailleurs, les parents sont également moins susceptibles de remettre en question les capacités nourricières des mères. Cela favorise la poursuite de l’allaitement conformément aux objectifs parentaux et aux recommandations de l’OMS qui préconise l’allaitement maternel exclusif jusqu’à 6 mois et en complément de la diversification alimentaire jusqu’à au moins 2 ans.
Dans un prochain article, nous aborderons l’influence de l’allaitement sur le sommeil de la mère.
Pour en savoir plus : formation : « Allaitement, sommeil de la mère et sommeil de l’enfant : une relation parfois difficile »
Bonne lectureLe bureau usfmp
Sources :
[1] Galland et al. 2012. Normal sleep patterns in infants and children: A systematic review of observational studies
[2] Tikotzky, L., De Marcas, G., Har-Toov, J., Dollberg, S., Bar-Haim, Y. and Sadeh, A. (2010). “Sleep and physical growth in infants during the first 6 months.” Journal of Sleep Research 19: 103-10.
[3] Horne, R.S.C., Parslow, P.M., Ferens, D., Watts, A.M. and Adamson, T.M. (2004). “Comparison of Evoked Arousability in Breast and Formula Fed Infants.” Archives of Disease in Childhood 89: 22-25.
[4] S Callahan, N Séjourné, A Denis ; Fatigue and breastfeeding : an inevitable partnership ? J Hum Lact 2006 ; 22(2) : 182-87
[5] Blyton, D.M., Sullivan, C.E. and Edwards, N. (2002). “Lactation is associated with an increase in slow-wave sleep in women.” Journal of Sleep Research 11: 297-303